Vendredi 19 août vers 20 heures:
Il fait encore beau et assez chaud. Sur le parking à côté du quai des bains des Pâquis se déroule une activité qui n’a pas l’air d’être celle de quelques baigneurs tardifs. On vient de décharger un minibus de son contenu de composants lourds sur un chariot qui ressemble singulièrement à ceux de certains grands supermarchés. Après c’est la "longue marche", ou plutôt DES longues marches, vu tout le matériel à transporter, tout au long du quai et des bains, vers le but final.
Le but final ?
Rien d’autre que le Phare des Pâquis, à l’extrémité de la jetée. En fait, sous l’indicatif HE1G, accordé par l’OFCOM jusqu’à la fin de l’année, notre section allait participer au ILLW, ou International Lighthouse & Lightship Weekend. Dans la liste mondiale de l’Amateur Radio Lighthouse Society (ARLHS), qui dénombre un total de 11'644 phares et bateaux–feu dans 218 pays DXCC, la Suisse – qui ne se distingue pas comme pays maritime – est fière de posséder un seul phare. En l’occurrence le Phare des Pâquis, qui porte le numéro de SWI 001.
Un peu d’histoire
Le phare découlait du Projet Général de Port pensé par Léopold Blotnitzki à la deuxième moitié du 19ème Siècle dans le sillage de l’arrivée à Genève du chemin de fer et de l’accroissement du trafic marchand. Sa physionomie s’est modifiée depuis la mise en service en 1860.
A la fin du 19ème siècle, la plupart des surfaces dévolues à l’entreposage et aux métiers traditionnels (navigation marchande, pêche...) cédèrent leur place aux activités de loisirs, comme nous (et tous nos visiteurs d’été venant du Moyen Orient) les connaissons aujourd’hui. Le premier phare était conçu par Elie-François Wartmann et fonctionnait à l’électricité, ce qui était exceptionnel pour l’époque. Mais les essais, peu concluants, furent abandonnés, et le phare fut entièrement reconstruit en 1896.
Installation
A une centaine de mètres du phare, là où la jetée devient un peu plus large, il y a non seulement de la place pour placer deux petites tentes, mais aussi deux grands arbres. Et qui dit "arbre" à un radioamateur dit "support d’antenne". Une avant-garde avait déjà fait un bon travail le jeudi soir en montant des mâts pour soutenir un dipôle pour les bandes de 40 et 80 mètres. Reste pour l’équipe de vendredi de grimper dans les arbres pour monter un mât télescopique d’environ 15 mètres de hauteur pour tenir un dipôle rotatif pour 10-15-20 mètres et – plus difficile – ériger le deuxième dipôle, en fil cette fois, entre les deux arbres pour 40 et 80 mètres. Suivent les deux tentes et l’installation des deux transceivers HF avec tous leurs accessoires. Un peu plus loin se trouve un emplacement en plein air pour la station VHF/UHF avec une simple antenne verticale.
Et l’alimentation en 220 volts ? Grâce à notre ami Cédric HB3YNV nous avons accès au local des
sauveteurs du lac qui nous offre non seulement un peu d’abri (pour le cas ou … nous verrons cela plus tard dans la nuit du samedi au dimanche……) mais aussi les 220 volts avec suffisamment d’ampères. Il faut donc "seulement" tirer un câble (de quelques 50 mètres de longueur) entre le local et les tentes.
Mais nous ne sommes pas seuls sur le quai ce vendredi soir, surtout que le temps est encore assez clément. Pendant le montage nous devons répondre aux questions de quelques flâneurs curieux, auxquels il fallait donner un bref aperçu de ce que c’est le radio-amateurisme.
Enfin tout est prêt, et l’équipe de montage ne se laisse pas distraire par la soirée "tango" que les animateurs des bains ont organisé pour le grand public à une courte distance de nos tentes.
C'est parti !
A 22h00 UTC on lance le premier CQ et le "pileup" ne se fait pas attendre pour les opérateurs des deux stations.
Pour une fois les prévisions de la météo ont raison, et le temps se dégrade lentement mais sûrement. Le samedi : pas encore de la pluie mais il commence à faire nettement plus frais. Dans les deux tentes les QSOs se suivent à un rythme accéléré en CW et SSB. Sur VHF et UHF le rythme est moins rapide, mais malgré une antenne modeste on progresse.
A part des opérateurs il faut également une équipe de soutien pour donner aux passants piqués par la curiosité des explications sur ce qui se passait (" ……non, ce n’était pas le tournage d’un film…………"). Nous disposons de trois grands panneaux avec textes et photos sur les différents aspects de notre hobby, qui se révèlent très utiles.
Comme on s’y attendait, l’activité pour la station 10/15/20 mètres se concentre sur la bande de 14 MHz et celle de l’autre station sur 7 MHz. L’indicatif HE1G exerce naturellement beaucoup d’intérêt, pas seulement pour les stations "phare". Même s’il ne s’agit pas d’un concours, on est quand même obligé de passer en opération "contest" raccourci, tout en donnant des explications au sujet du Internantional Lighthouse & Lightship Weekend (ILLW).
La météo s'en mêle ...
La dégradation du temps continue inexorablement. Dans les petites heures de la nuit du samedi au dimanche finalement c’est la fin pour la grande tente, qui n’était vraiment pas conçue pour résister à autant de pluie et de vent. Pour sauver les équipements – et les opérateurs – de la noyade il faut déménager d’urgence à 4 heures du matin dans la deuxième tente, qui est plus petite mais nettement plus solide. Ainsi se trouvent les deux transceivers 10/15/20 et 40/80 côte à côte pour le reste du weekend.
Le dimanche n’était vraiment pas la plus belle journée de la semaine. C’est ainsi que le démontage a dû être entrepris par une pluie battante et un froid inconfortable, quelques heures plus tôt que prévu à l’origine. Ce qui n’empêche pas l’équipe de 40/80 de continuer à trafiquer jusqu’à la toute dernière, mais vraiment dernière, minute pendant la descente du mât de la station HF.
"Tout est bien qui finit bien" a dit quelqu’un bien avant nous. Et c’est ainsi qu’avant de partir toute l’équipe se réchauffe en prenant un verre dans le local des sauveteurs. Toute l’équipe ? Vingt amateurs et SWLs, qui ont eu un plaisir énorme et ont bien rigolé en faisant un total de 2546 QSOs, dont 1030 en CW et 1516 en phonie, avec 75 pays sur les six continents. A notre connaissance nous avons contacté au moins 29 stations phare dans 15 pays.
Au moment où vous lisez ces lignes [ndlr : septembre 2005], la très jolie carte QSL de HE1G se trouve en impression. Et nous songeons déjà à réactiver cet indicatif spécial, que l’OFCOM nous a très aimablement accordé jusqu’à la fin de 2005, au moins encore une fois avant le 31 décembre.
A bientôt !
Gerald HB9AJU
Septembre 2005